Wikileaks, DarkWeb, Datacenter, etc sont les mots clefs qui reviennent le plus souvent lorsque l’on pense aux « faces invisibles » d’Internet. Nous avons rarement en tête des infrastructures aussi fascinantes que les câbles sous-marins. Ces derniers jouent pourtant un rôle majeur puisque aujourd’hui 99 %[1] du trafic intercontinental transite sous les océans par le biais de ces câbles.

L’entreprise américaine TeleGeography propose une carte interactive sur cette page Web. A quelques exceptions locales près, elle est à jour et fait figure de référence dans le domaine.

Un enjeu géographique

Cette carte montre que tous les pays ayant un accès à la mer sont reliés par au moins un câble. Seuls quatre pays (Salvador, Slovénie, Monténégro et Corée du Nord) font figure d’exception. Nous observons que des pays comme Madagascar, le Libéria et la Gambie possèdent des connexions bien qu’ils appartiennent au pays les plus pauvres du monde. Les pays les plus connectés sont de véritables hubs entre ces câbles.

La façade maritime irakienne mesure à peine 16 km. Elle est tout de même connectée à 2 câbles sous-marins.

Le Japon est un exemple pertinent de hub. Nous pouvons à peine compter le nombre de liaison.

Une succession de défis techniques

Le câble le plus long, a pour nom SeaMeWe3, mesure 39 000 km et a été mis en service en 1999. Il est la propriété d’un consortium de 92 investisseurs dirigé par Orange et China Telecom.

Le câble SeaMeWe3 relie l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Océanie.

Une équipe de techniciens prépare un navire câblier. Le diamètre de la fibre optique est d’environ 1 cm. Afin de la protéger des requins qui croquent dedans et des autres menaces, une armature métallique d’environ 10 cm de diamètre recouvre la fibre

Et la France dans tout ça ?

La France a joué un rôle clef dès la pose du premier câble en 1850. Le britannique John Watkins Brett a posé le premier câble entre le le cap Gris-Nez, pointe du littoral français le plus proche de l’Angleterre, et l’Angleterre. Après 11 minutes de fonctionnement, la liaison a été définitivement sectionnée par un pêcheur. Seulement deux ans après, en décembre 1852, une liaison télégraphique sous marine permettait une transmission directe des messages entre les bourses de Paris et de Londres.

Orange Marine, société détenue par Orange, est à la pointe de la pose et de la maintenance de ce type de câble. Elle possède une flotte de six navires câbliers sortant chacun 12 à 15 fois par an. Ces derniers ont posés au total 180 000 km de câbles.

Une deuxième entreprise, néerlandaise cette fois, possède un lien étroit avec ces câbles. Pour Interxion, fournisseur européen de Data Centers, chaque milliseconde compte et un aller-retour entre l’extrémité d’un câble et un Data Center représente une perte de temps inutile. Ainsi, un des deux sites de l’entreprise est située à Marseille, liaison entre 3 câbles sous-marins.

Extrait de la carte des Data Center Interxion [2]

Un enjeu géopolitique

Suite aux révélations d’Eward Snowden concernant les regards indiscrets de la NSA, le Brésil, sous l’impulsion de sa présidente Dilma Rousseff, a pris plusieurs mesures afin de restreindre les effets des programmes de surveillance américains. En conséquence de ces mesures, un nouveau câble entre le Brésil et le Portugal a été posé. Cette solution protège sensiblement les citoyens brésiliens en contournant les hubs américains. Toutefois, le Portugal appartenant à l’OTAN, on peut craindre l’existence d’accords entre les services secrets portugais et la NSA. Par ailleurs, l’armée américaine possède au moins un sous-marin capable de se brancher aux câbles et d’effectuer des écoutes clandestines.[3]

D’autre part, cette rentrée scolaire est marquée des tensions commerciales palpables entre les États-Unis et la Chine. Le secteur des télécommunications n’est pas épargné : l’incident Huawei précède de peu une tentative de blocage du projet de câble Pacific Light Cable Network (PLCN), qui doit relier Los Angeles à Hong Kong.[4]. Il n’est pas impossible que ce déploiement nous réserve quelques surprises. A suivre, d’autant plus que la situation politique hongkongaise semble tendue…

Le rôle des GAFAM

L’emprise des GAFAM sur Internet est sur le point de connaître un nouveau bond. En effet, Google installe actuellement son premier câble entre la Floride et l’ouest de la France. La firme sera entièrement propriétaire de la structure longue de 6400 km. Par ailleurs ce câble, dont la mise en service est prévue début 2020, pourrait atteindre des vitesses d’exploitation jamais atteintes de l’ordre de 250 térabits par seconde.[5] Une fois ce câble livré, Google possédera quasiment toute l’infrastructure nécessaire au fonctionnement d’Internet. Seule la fourniture d’accès restera aux mains d’autres opérateurs.

[1] https://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/08/23/les-cables-sous-marins-cle-de-voute-de-la-cybersurveillance_3465101_651865.html
[2] https://www.interxion.com/fr/Nos-implantations/
[3] https://www.numerama.com/magazine/28597-nsa-bresil-europe-cable-internet.html
[4] https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/les-etats-unis-songent-a-bloquer-un-projet-de-cable-sous-marin-vers-hong-kong-826934.html
[5] https://www.clubic.com/gafam/actualite-853854-gafam-approprient-internet-construisant-propres-cables-marins.html

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